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Le rebond du Nîmes Olympique depuis le mois de janvier a coïncidé avec l’arrivée, en prêt, de l’ancien milieu de terrain bordelais Yassine Benrahou.

 

À 21 ans, le meneur de jeu franco-marocain découvre encore le haut niveau, mais a déjà su se rendre indispensable.

Quand on court après une victoire en Championnat durant trois mois et demi, on peut perdre un peu le sens de la mesure.

C’est ce qui est arrivé au défenseur nîmois Anthony Briançon, le 11 janvier dernier, dans la foulée d’un succès libérateur face à Reims (2-0) durant lequel Yassine Benrahou, à peine débarqué dans le Gard, avait régalé le public des Costières.

«Sur ce match, c’est un mélange de Messi et de Ben Arfa ! »s’était enflammé Briançon au micro de France Bleu, applaudissant «l’insouciance »et la «grosse qualité technique »de son nouveau coéquipier.

«Ça m’a surpris, on en a bien rigolé entre nous, sourit Benrahou. Je lui ai dit qu’il ne m’avait pas rendu service ! Il m’a forcé à rester consistant. »

Un mois plus tard, le milieu de terrain offensif prêté par Bordeaux n’a sans doute pas déçu son capitaine.

En cinq rencontres de Ligue 1 sous le maillot des Crocos, ce gaucher adroit s’est imposé comme le maître à jouer de sa nouvelle équipe, du haut de ses 21 ans et de ses 15 apparitions dans l’élite.

Responsabilisé d’entrée par Bernard Blaquart dans un rôle de neuf et demi libre et mobile, son «poste de prédilection», Yassine Benrahou a su relever le défi.

Depuis le début de la phase retour, Nîmes a déjà gagné quatre matches et marqué onze buts, après n’avoir cumulé que deux succès et treize buts lors de la première moitié de saison.

Une transformation qui ne repose évidemment pas uniquement sur l’arrivée de Benrahou (Roux et Koné sont également arrivés, pendant que Ferhat et Philippoteaux élevaient leur niveau de jeu), même si le natif du Blanc Mesnil joue un rôle central.

Il a déjà inscrit deux buts, délivré une passe décisive et provoqué deux autres buts via ses coups de pied arrêtés.

Il est également le Nîmois qui réussit le plus de passes clés (2,4 par match) et provoque le plus de fautes (3,6), et le deuxième aux moyennes de tirs tentés (2,6) et de dribbles réussis (1,6).
«Il nous apporte précisément ce dont on avait besoin et pourquoi on l’a recruté, se félicite le directeur sportif des Crocos, Reda Hammache.

Il débloque des situations au cœur du jeu, propose beaucoup de solutions grâce à sa mobilité et sa faculté à se placer entre les lignes.

Là où il nous surprend, c’est sur ses performances athlétiques.

Il est quasiment à 12 kilomètres parcourus à chaque rencontre, présente des chiffres remarquables au niveau des courses à haute intensité, et il parvient à répéter ces efforts d’un match à l’autre. « «Courir, c’est naturel chez moi, assure Benrahou, j’ai toujours eu un bon cardio, un bon volume de jeu.

Pareil pour mes déplacements entre les lignes, c’est un aspect que j’ai toujours trouvé très important à mon poste.

Ça me permet de recevoir le ballon derrière les milieux adverses, de faire déjouer les défenseurs.

Et même si je ne reçois pas la balle, ça libère des espaces pour mes partenaires. »Volonté, dialogue et curiosité
Si sa réussite actuelle permet à celui qui a notamment côtoyé Kylian Mbappé ou Jonathan Ikoné à Bondy durant son adolescence de se faire un nom auprès du grand public, son évolution ne surprend pas ceux qui l’ont accompagné à Bordeaux, où il était arrivé à l’âge de 15 ans.

«C’est un garçon très attachant, explique Philippe Lucas, ancien entraîneur de la réserve des Girondins.

Il a toujours eu la volonté de réussir, mais aussi de comprendre. Il était constamment dans le dialogue, je n’ai pas toujours été tendre avec lui mais il ne faisait pas la gueule, il réfléchissait, comprenait et se remettait au travail. »

Partenaire d’entraînement de Yassine Benrahou durant quelques mois la saison dernière, Benoît Trémoulinas avait découvert sur les terrains du Haillan «un super joueur de foot, bosseur, très intelligent sur le terrain et en dehors.

Curieux aussi : il m’avait posé des questions que la façon de jouer de Lionel Messi et Cristiano Ronaldo, que j’avais affrontés durant ma carrière. »

Grand fan du CR7 époque Manchester United, Benrahou est devenu au fil de sa formation un étudiant du jeu.

«Je regarde ce qui se fait de mieux à plusieurs postes, j’essaie de copier certaines choses, explique-t-il.

J’ai envie d’en savoir le plus possible parce que j’ai envie de me rapprocher de ce niveau-là. Savoir quel effet ça fait de jouer contre Messi ou Ronaldo, quelles sont leurs caractéristiques.

C’est de la bonne curiosité. « Qu’il n’a cependant pas poussée jusqu’à aller toquer à la porte du bureau de Paulo Sousa, qui ne lui a offert que 338 minutes de jeu en Ligue 1 en huit mois avant de le laisser filer.

«On m’a répété plusieurs fois durant ma formation de ne pas toujours demander d’explications, parce que certains entraîneurs chez les pros n’en donnent pas.

Mais Paulo Sousa m’a intégré à son groupe, m’a donné beaucoup de conseils.

C’est quelqu’un de passionné, que je respecte parce qu’il m’a aidé. Il m’a donné quelques cartouches. »

Malgré cela, pour franchir un cap, l’ancien pensionnaire de l’INF Clairefontaine n’avait pas franchement le choix cet hiver.

«On ne peut pas progresser en jouant un match tous les deux mois, tranche Philippe Lucas. Il fonctionne au défi, il n’a peur de rien, alors Nîmes, c’est une superbe opportunité pour lui. »

Pour le club gardois aussi, puisque Benrahou est notamment venu combler un trou béant depuis les départs de Téji Savanier et Antonin Bobichon l’été dernier.

Depuis janvier, le Nîmes Olympique est redevenu une terreur sur coups de pied arrêtés grâce à la patte gauche de son nouveau numéro 22.

«Il a une qualité rare et très recherchée à ce niveau, reprend Lucas. Il a toujours été doué sur coups de pied arrêtés, et il aime ça. »

«On l’a aussi recruté pour ça, c’était un vrai besoin identifié», confirme Reda Hammache. «Ç’a été un point important, on m’en a tout de suite parlé, reprend le joueur.

C’était un des points forts de l’équipe la saison dernière et elle avait un peu perdu ça. Jusque-là, j’ai réussi à aider. »
Là non plus, ça n’a pas franchement étonné les supporters et observateurs des équipes de jeunes des Girondins, habitués à voir Benrahou débloquer certaines situations d’une frappe limpide. Et certains regrettent déjà l’option d’achat dérisoire (1,5 million d’euros) fixée par les dirigeants bordelais pour un espoir aux qualités précieuses.

S’il doit encore «étoffer son volume de jeu »selon Benoît Trémoulinas, Yassine Benrahou a en tout cas donné un aperçu très séduisant de sa palette technico-tactique.

Qui demande confirmation, forcément. «J’ai envie de montrer l’étendue de mon potentiel, affirme le jeune homme.

YJusque-là, je n’ai pas trop été surpris par le niveau, j’ai eu beaucoup de bonnes sensations, mais je commence simplement à prendre mes marques. Je dois peaufiner certaines choses pour pouvoir franchir un autre palier. « Vivement la suite, alors.